Le Temps du roi : imaginaire et politique de la temporalité historique en France et en Europe (1580-1789) 

Programme de recherche dirigé par Delphine Reguig (Saint-Etienne, IHRIM-IUF)

Ce projet a l’ambition de mesurer à quel point la société française, voire européenne, évolue dans un cadre idéologique et imaginaire lié à l’exercice de la monarchie absolue telle qu’elle s’est constituée et affermie entre 1580 et 1789. Notre régime temporal est fondamentalement différent de celui de l’âge classique mais il dérive pourtant de la manière dont le discours sur l’histoire du pouvoir monarchique a été contraint de se transformer. Dans la période encadrée par les troubles des guerres civiles et la Révolution française, l’affirmation de la monarchie absolue a mis en crise la possibilité d’écrire son histoire : la gloire du roi, garante de la paix et de la stabilité du royaume, pouvait être montrée, notamment par les arts plastiques, mais ne pouvait plus être racontée, en raison des limites épistémique, éthique et rhétorique de l’éloge. L’hypothèse qui guide notre projet est que l’échec répété de l’historiographie royale a déplacé les modalités discursives du récit de l’histoire du roi. L’objectif est de mettre au jour un discours collectif qui, en lieu et place de ce récit, a déployé un imaginaire et une politique de la temporalité. Il s’agit de montrer quel a été le traitement d’un tel héritage et quel est son poids éventuel sur notre représentation actuelle de la temporalité.

Par sa nature même, ce projet exige une approche interdisciplinaire, recourant à la poétique, la rhétorique, l’histoire littéraire, la théorie littéraire, l’histoire, l’histoire des idées, l’histoire du droit, la philosophie, la théologie et la réflexivité historiographique sur ces disciplines. Coordonner ces différentes façons d’approcher « le Temps du roi » permettra :

-de décrire la chronologie relative de la conceptualisation de la notion de Temps, dans la culture monarchique, en France, avec un aperçu vers la référence que représente l’Antiquité gréco-latine et une exploration de la permanence de ce paradigme jusqu’au XXIe siècle.

-de rendre accessible la lecture d’une histoire alternative de la monarchie absolue à travers la mise en réseau, au moyen des outils fournis par les humanités numériques, de textes non narratifs, produits de genres évitant le récit successif de la narration historique (dictionnaires, correspondances, essais, parallèles, dialogues des morts, panégyriques du roi, discours académiques, traités…).

-de mettre en évidence des phénomènes spécifiques à la représentation de la temporalité et de la mémoire par les productions lettrées (imaginaire des époques, dramatisation de l’événement, construction de l’idée de modernité…).

En insérant ces analyses dans une trame chronologique générale, il sera possible de décrire la constitution d’une idéologie du Temps qui tend à substituer à un établissement scientifique de l’histoire une configuration imaginaire de sa valeur.